1984 : Le Règlement 84-20 est adopté
Ce règlement, initié par le gouvernement libéral de la province sous la direction du premier ministre McKenna, empêchait l’avortement d’être couvert par le financement provincial des soins de santé à moins qu’il ne soit pratiqué dans un hôpital par un spécialiste, et seulement après la certification par deux médecins de la nécessité médicale de l’intervention. Les avortements en clinique étaient déjà interdits en vertu d’une loi d’intérêt privé, la Loi médicale du Nouveau-Brunswick, qui réglemente la profession médicale.7
1994 : Morgentaler ouvre une clinique d’avortement à Frederiction
Le gouvernement de McKenna réagit à l’ouverture de la clinique en modifiant la Loi médicale pour y inclure une disposition d’infraction destinée à déclarer les médecins coupables d’inconduite professionnelle s’ils pratiquaient un avortement en dehors d’un hôpital agréé par le ministre de la Santé. Immédiatement après l’ouverture de la clinique, le permis médical du Dr Morgentaler est suspendu par décret du Conseil du Collège des médecins et chirurgiens de la province pour avoir pratiqué des avortements en dehors d’un hôpital, en s’appuyant sur les articles 56(b.1) et 56,2 de la Loi médicale.8 Morgentaler a immédiatement contesté la constitutionnalité de l’amendement.
Se fondant sur la décision de la Cour suprême dans R. c. Morgentaler (1993), la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick a conclu que les articles contestés de la Loi étaient inconstitutionnels puisqu’ils ne relevaient pas de la compétence de l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, et a conclu que le législateur cherchait à interdire les avortements en dehors des hôpitaux « afin de supprimer ou de punir l’avortement, qu’[il] perçoit comme une conduite socialement indésirable ». Le tribunal a tenu compte du fait que l’amendement datait d’un temps où l’avortement était considéré comme une infraction pénale. Le tribunal a également déclaré que la création de l’amendement n’était pas dans l’intérêt d’assurer la plus haute qualité de soins aux femmes dans la province, mais plutôt conçu pour « interdire l’établissement de cliniques d’avortement autonomes et, en particulier, l’établissement d’une telle clinique par le Dr Morgentaler ».
La décision a été confirmée en appel devant la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick, et l’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada a été refusée. Le permis du Dr Morgentaler a été rétabli et sa clinique a été autorisée à rester ouverte. Le règlement a été supprimé, mais rétabli plus tard dans la Loi sur le paiement des services médicaux, la sanction pour les médecins n’apparaissant plus. L’exclusion des avortements en clinique du régime d’assurance-maladie est demeurée en vigueur pendant toute la période d’activité de la clinique Morgentaler de Fredericton.
Le Dr Morgentaler a intenté une action en 2004 pour contester la légalité du Règlement 84-20, dans laquelle il sollicitait un jugement déclaratoire portant que le Règlement 84-20 non seulement violait la Loi canadienne sur la santé, mais était également inconstitutionnel en ce qu’il violait les droits garantis par les articles 7 et 15 de la Charte.10 La province s’est livrée à des tactiques de retardement pendant plusieurs années, contestant la position du Dr Morgentaler de même porter l’affaire. Enfin, la Cour a accepté en 2009 d’accorder au Dr Morgentaler la qualité pour présenter dans l’intérêt public sa contestation judiciaire. La Cour a conclu qu’il y avait une question sérieuse à juger et que, bien qu’il y avait d’autres catégories de personnes plus spécifiquement touchées par ce règlement (notamment les patient·e·s qui ont obtenu des avortements à la clinique du Dr Morgentaler à Fredericton), il existait de nombreuses raisons valables pour lesquelles les patient·e·s ne voudraient ou ne pourraient pas présenter cette contestation et que le Dr Morgentaler était donc « une personne alternative appropriée pour le faire ». Cependant, à ce moment-là, le Dr Morgentaler avait épuisé ses ressources financières. Un autre facteur étant son âge avancé, il a décidé de ne pas poursuivre le procès.11
En 2014, le premier ministre libéral Brian Gallant a promis de supprimer tous les obstacles à l’avortement au Nouveau-Brunswick en modifiant le Règlement 84-20 et en supprimant l’exigence que l’intervention soit effectuée par un·e spécialiste après que certification par deux médecins de la nécessité médicale de l’intervention. Il n’a pas supprimé l’exigence selon laquelle l’avortement chirurgical ne peut être financé par la province que s’il est pratiqué dans un hôpital.12