L’avortement est décriminalisé au Canada.
Le parcours vers la décriminalisation de l’avortement est une histoire longue et détaillée. Voici un résumé des jalons importants.
Les termes « décriminalisé » et « légalisé » réfèrent à des approches différentes de la réglementation des activités ou des comportements :
Décriminalisation
Lorsqu’une chose est décriminalisée, on ne la considère plus comme un crime.
Voici un exemple de l’avortement décriminalisé : Au Canada, l’avortement n’est pas un crime. Il n’y a pas de loi ou de réglementation qui concerne spécifiquement l’avortement. Au lieu de cela, l’avortement est réglementé comme toute autre intervention médicale. Cela signifie que des aspects comme le mode d’accès à l’avortement ou la période pour y recourir ne sont pas régis par le droit pénal, mais plutôt par des mécanismes de réglementation comme les agences provinciales et territoriales qui supervisent les prestataires de soins de santé et les établissements de santé en général. C’est pourquoi il n’existe aucune limite légale concernant le moment où une personne peut se faire avorter, au Canada.
Légalisation:
On parle de légalisation lorsqu’une chose qui était auparavant illégale devient autorisée et réglementée par la loi. Lorsqu’une activité est légalisée, elle est autorisée et encadrée par des lois, des règlements et des restrictions spécifiques. La légalisation implique généralement la mise en place d’un cadre réglementaire pour régir l’activité et veiller à ce qu’elle respecte certains paramètres définis par la loi.
Voici un exemple de l’avortement légalisé : Dans certains pays, la loi autorise l’accès à l’avortement pendant les 12 premières semaines de grossesse, mais au-delà de ce stade, elle le limite aux cas de viol, de malformation du fœtus ou de risque pour la santé de la personne. Ces restrictions ne sont pas fondées sur des données scientifiques ou des normes professionnelles comme c’est le cas pour d’autres interventions médicales; elles sont définies par la loi, à partir de croyances idéologiques.
Le Canada n’a pas besoin d’une loi sur l’avortement. Le Canada est le premier pays au monde où l’avortement est principalement réglementé en tant que service de santé, en vertu de la Loi canadienne sur la santé.
Les organismes de défense des droits génésiques au Canada sont clairs : l’introduction d’une loi fédérale sur l’avortement n’est pas nécessaire et pourrait en fait conduire à des restrictions et limitations. Pour en savoir plus sur les raisons pour lesquelles le Canada n’a pas besoin d’une loi sur l’avortement, cliquez ici.
Les citoyen·ne·s et résident·e·s permanent·e·s n’ont pas à payer les soins liés à l’avortement au Canada. En vertu de la Loi canadienne sur la santé, ou·te·s les citoyen·ne·s canadien·ne·s et les résident·e·s permanent·e·s ont le droit de bénéficier des services hospitaliers et des soins médicaux nécessaires, comme les rendez-vous médicaux, les séjours à l’hôpital, les tests diagnostiques et les interventions médicales.1 Le coût de ces services est couvert par les régimes d’assurance maladie provinciaux et territoriaux.
Cela signifie que les personnes couvertes par une assurance provinciale et possédant une carte d’assurance maladie provinciale n’ont pas à payer pour obtenir des soins d’avortement. Cependant, dans certaines circonstances, des irrégularités ainsi que des violations de la Loi canadienne sur la santé contraignent des Canadien·ne·s à payer pour des services d’avortement. Pour en savoir plus, voir la section sur la Loi canadienne sur la santé.
Les personnes qui ne sont pas admissibles aux régimes d’assurance maladie provinciaux/territoriaux doivent payer les frais d’avortement de leur poche. Ces frais peuvent s’élever à plusieurs milliers de dollars, sans compter les autres dépenses possibles comme le transport, l’hébergement, etc. Les personnes qui ne sont pas couvertes par les régimes d’assurance maladie provinciaux/territoriaux sont les suivantes :
La couverture des coûts de l’avortement pour les patient·e·s fédéraux·ales (c.-à-d., non couvert·e·s par un régime d’assurance maladie provincial) se limite aux membres du Programme des services de santé non assurés (SSNA), du Programme fédéral de santé intérimaire (PFSI) (couvrant les réfugié·e·s), des Services de santé des Forces canadiennes et des Programmes du Service correctionnel du Canada.
Les personnes des Premières Nations inscrit·e·s et Inuit·e·s reconnu·e·s qui sont admissibles à la couverture des services d’avortement mais qui n’y ont pas accès dans leur communauté et qui ont épuisé tous les autres recours possibles (programmes sociaux ou de santé provinciaux/territoriaux, autres programmes financés par l’État) ont droit à des prestations de voyage en vertu du Cadre de travail des SSNA sur le transport pour raison médicale pour leurs déplacements pour des raisons médicales à l’intérieur et à l’extérieur du Canada.
La couverture fédérale des soins de santé fait appel à des procédures administratives différentes de la facturation provinciale. Des prestataires de services d’avortement soulignent parfois les longs délais d’inscription et de remboursement et la confusion à propos de ce qui est couvert, pour expliquer leur refus de client·e·s bénéficiant d’une couverture fédérale, en particulier le PFSI et les SSNA. Cela crée des obstacles et entraîne souvent un déni de service ou des coûts qui se répercutent sur l’individu.
Les mineur·e·s n’ont pas besoin du consentement parental pour se faire avorter – sauf au Québec, où les mineur·e·s de moins de 14 ans doivent obtenir le consentement d’un·e parent pour tous les traitements médicaux, y compris les soins d’avortement.
Les règles pour la prise de décisions des mineur·e·s en matière de soins de santé (y compris l’avortement) varient d’une province à l’autre et peuvent inclure :
Des renseignements sur ce qui régit la capacité d’un·e mineur·e à consentir à un traitement médical sont accessibles sur la page de chaque province et territoire.
Le concept de « mineur·e mature », en common law, signifie qu’un·e mineur·e apte à comprendre et à apprécier la nature, le but et les conséquences raisonnablement prévisibles d’un traitement médical proposé, de ses alternatives ou de son refus peut exprimer un consentement légal valide à ce traitement. La doctrine du/de la mineur·e mature a été abordée en 2009 dans le jugement A.C. c. Manitoba (Directeur des services à l’enfant et à la famille) de la Cour suprême du Canada; elle s’applique dans les provinces et territoires qui n’ont pas de législation régissant le consentement des mineur·e·s à un traitement médical (Alberta, Manitoba, Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve-et-Labrador, Territoires du Nord-Ouest, Nunavut et Saskatchewan).
Il n’existe pas de critères ou d’évaluation universellement reconnus pour déterminer si une personne est un·e mineur·e mature, et les lignes directrices des organismes de réglementation des professions de santé peuvent varier d’une région à l’autre.2 Cependant, le Code d’éthique et de professionnalisme de l’Association médicale canadienne exige que les médecins reconnaissent « le besoin de trouver un équilibre entre les compétences en développement des mineurs et le rôle de leur famille et de leurs aidants dans la prise de décisions médicales les concernant, tout en respectant le droit qu’ont les mineurs matures de consentir à un traitement et de gérer leurs renseignements personnels sur leur santé ».3
En général, lorsqu’un·e mineur·e n’est pas considéré·e comme un·e « mineur·e mature » et n’a pas la capacité nécessaire à consentir véritablement à son traitement médical, ses parents ou son/sa tuteur·trice sont autorisé·e·s à consentir en son nom. Ce faisant, le/la parent ou tuteur·trice doit prendre une décision dans l’intérêt supérieur du/de la mineur·e. Si le/la parent ou tuteur·trice refuse un traitement médical que le/la médecin du/de la mineur·e considère comme médicalement nécessaire, le/la médecin est tenu·e de signaler la situation aux autorités de protection de l’enfance.4
Toutes les provinces et tous les territoires du Canada disposent de lois sur la protection de l’enfance qui autorisent une agence de l’État à prendre des décisions de traitement au nom d’un·e enfant dans certaines circonstances.
Lorsqu’un·e enfant n’est pas apte à donner un consentement légal à un traitement, ses parents ou tuteur·trice·s sont autorisé·e·s à le faire en son nom, en tenant compte de son intérêt supérieur. Lorsque le/la parent ou tuteur·trice refuse un traitement médical et que cela met en danger la santé ou la vie de l’enfant, la législation sur la protection de l’enfance prévoit généralement une procédure permettant de transférer le pouvoir décisionnel à une agence de l’État.5
Lorsqu’un·e enfant est apte à fournir un consentement légal mais qu’il/elle refuse le traitement et met ainsi sa santé ou sa vie en danger, sa décision peut être annulée par un tribunal et/ou en vertu de la législation sur la protection de l’enfance. Dans ce cas, le/la décideur·euse final·e doit se baser sur l’intérêt supérieur de l’enfant.6
Le droit au Canada est composé de multiples sources, notamment la Constitution, la législation et la jurisprudence. Le droit a le pouvoir de façonner et d’influencer les enjeux sociaux en établissant un cadre juridique, des normes et des protections, et en favorisant les discussions et le changement au sein de la société.
Le droit canadien établit les droits et principes suivants, applicables à l’avortement :
Ces droits et principes sont longuement établis et l’avortement n’est plus assujetti au droit pénal depuis 1988. Cependant, la vigilance est de mise, car des politicien·ne·s anti-choix tentent sans cesse de porter atteinte à ces droits et principes par le biais de projets de loi d’initiative parlementaire.
La Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte ») est la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982. La Charte garantit les droits et libertés qui y sont énoncés, sous réserve des limites raisonnables prévues par la loi, et s’applique aux actions des gouvernements.15 L'article 7 de la Charte stipule que :
« Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale. »
L’article 7 de la Charte est une protection fondamentale des droits individuels contre des atteintes injustes de l’État à l’autonomie personnelle, à l’intégrité corporelle et au bien-être.16 Il dicte que les actions gouvernementales qui priveraient les gens de ces droits doivent être conformes aux principes de justice fondamentale, qui incluent les principes d’équité, de raisonnabilité et de respect des droits humains fondamentaux. L’article 7 a été interprété par les tribunaux comme englobant un vaste éventail de droits, y compris celui de prendre des décisions concernant son propre corps, par exemple dans le contexte de choix médicaux.
L’article 7 sert de fondement à de nombreuses décisions relatives aux soins de santé, au Canada, y compris en ce qui concerne l’accès à l’avortement.
L’article 223 du Code criminel définit le statut de personne juridique comme débutant à partir du moment où un·e enfant est né·e vivant·e. Il a été invoqué pour empêcher la poursuite ou la condamnation de personnes enceintes ayant recours à l’avortement et de prestataires qui fournissent ces soins.17
Des projets de loi d’initiative parlementaire anti-choix tentent depuis longtemps d’inclure les fœtus dans la définition de personne juridique, afin de restreindre le droit et l’accès à l’avortement. Pour en savoir plus sur ces projets de loi anti-choix, cliquez ici.
Au Canada, les soins de santé relèvent principalement de la compétence des provinces et des territoires. Le partage des compétences en matière de santé est décrit dans les articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle canadienne de 1867.18 En vertu de la Constitution, les provinces et les territoires sont responsables de la mise en place, du maintien et de la gestion des services de soins de santé destinés à leurs résident·e·s.19 Ils ont compétence sur des domaines tels que les hôpitaux, les médecins et les autres professionnel·le·s de la santé.20
L’avortement et tous les autres services de santé assurés au Canada sont régis par la Loi canadienne sur la santé, la loi fédérale qui définit les normes que les provinces et territoires doivent respecter pour obtenir des fonds du gouvernement fédéral pour leurs systèmes publics de santé. Le Canada est le premier pays au monde où l’avortement est fondamentalement réglementé en tant que service de santé, relevant de la compétence des professionnel·le·s de la santé et régi par des lois et lignes directrices relatives aux soins de santé.
La Loi canadienne sur la santé repose sur les cinq piliers suivants :21
Concrètement, ces piliers signifient que le système de santé canadien vise à fournir des services de santé accessibles et financés par l’État à tou·te·s les résident·e·s, quelle que soit leur situation financière. Les Canadien·ne·s devraient bénéficier d’une couverture pour les services médicalement nécessaires, y compris l’avortement; recevoir des soins sans avoir à débourser des sommes importantes; et avoir la possibilité d’accéder à des soins de santé à travers le pays. Plus précisément, les dispositions relatives à l’accessibilité et à l’universalité signifient que tous les individus, quels que soient leur revenu ou leur situation géographique, devraient avoir un accès équitable à l’avortement.
Ces normes sont importantes pour indiquer clairement au public ce à quoi il a droit. Mais en pratique, la mise en œuvre et l’interprétation de ces principes peuvent varier d’une province ou d’un territoire à l’autre, ce qui fait que des personnes qui ont besoin d’un avortement vivent des expériences différentes selon leur lieu de résidence.
La Loi canadienne sur la santé établit les normes applicables aux soins d’avortement et à tous les autres services médicalement nécessaires au Canada. Nous devons continuer à insister sur ces normes et à nous battre pour qu’elles soient respectées.
Toutes les provinces et tous les territoires, sauf le Québec, ont convenu d’un Processus de prévention et de règlement des différends en cas d’infractions possibles à la Loi canadienne sur la santé. Toutefois, le/la ministre fédéral·e de la Santé conserve l’autorité finale quant à l’interprétation et à l’application de la Loi, et il est de sa responsabilité et de son pouvoir discrétionnaire de pénaliser les provinces et territoires qui l’enfreignent. L’une des sanctions possibles est la retenue de transferts fédéraux en matière de santé, qui sont des paiements effectués aux systèmes de santé des provinces et territoires.22
Chaque année, le gouvernement fédéral publie son Rapport annuel sur l’application de la Loi canadienne sur la santé, qui présente des mises à jour sur le respect de la loi. Voici des exemples de provinces ou de territoires qui ont été jugés en violation des normes établies par la Loi canadienne sur la santé en matière d’accès à l’avortement :
Jusqu’en 2015, toutes les provinces et tous les territoires enfreignaient le principe de transférabilité en matière d’avortement. Le Comité de coordination des ententes interprovinciales en assurance maladie facilite le respect de l’exigence de transférabilité établie dans la Loi canadienne sur la santé soit respectée, en administrant les ententes de facturation réciproque entre les provinces et territoires pour les services de santé. Avant 2015, l’avortement figurait sur la liste des « services exclus » de ces ententes, ce qui signifiait que les personnes devaient payer de leur poche un avortement pratiqué en dehors de leur province d’origine. Aucune justification n’était fournie pour cette exclusion.
Aujourd’hui, toutes les provinces et tous les territoires (sauf le Québec) fournissent une couverture complète aux résident·e·s qui obtiennent un avortement par instruments dans une autre province ou un autre territoire. Toutefois, les ententes de facturation réciproque varient. Certaines provinces ont des ententes de facturation réciproque claires; d’autres facturent les frais directement aux patient·e·s, laissant à chacun·e la responsabilité de réclamer un remboursement à sa province ou à son territoire d’origine.
Le Québec rembourse les résident·e·s qui obtiennent des soins d’avortement en dehors de la province seulement jusqu’à concurrence des tarifs québécois.26 Le Rapport annuel 2020-2021 sur la Loi canadienne sur la santé signale que l’approche du Québec contrevient à la Loi : « Les services médicaux reçus par les résidents du Québec lorsqu’ils se trouvent à l’extérieur de la province ne sont pas remboursés selon le tarif de la province d’accueil, ce qui est pourtant une exigence du critère de transférabilité en vertu de la Loi canadienne sur la santé. »27
Puisque le Canada ne dispose pas d’un régime national d’assurance-médicaments, les coûts de l’avortement médical et d’autres médicaments d’ordonnance ne sont pas couverts par les ententes de facturation réciproque.
Même si le moment où une personne peut obtenir un avortement n’est pas limité par la loi, au Canada, la disponibilité des services dépend de la capacité des prestataires de soins de santé et des infrastructures nécessaires à offrir ces soins. Concrètement, cela signifie qu’au-delà d’un certain stade de gestation, l’avortement pourrait ne pas être fourni au Canada.
Les soins d’avortement sont un élément essentiel des soins de santé génésique à tous les stades de la grossesse. Cela signifie que les Canadien·ne·s assuré·e·s par les systèmes de santé provinciaux/territoriaux ont le droit d’obtenir ces soins en temps opportun, compte tenu de la nature urgente de l’avortement. Lorsqu’une personne a besoin d’un traitement médical assuré qui n’est pas offert au Canada, elle devrait pouvoir y accéder à l’étranger et les coûts devraient être remboursés par sa province ou son territoire d’origine en vertu de l’exigence de transférabilité de la Loi canadienne sur la santé. Dans le cas de l’avortement, cela consiste à se rendre aux États-Unis, dans une clinique capable de pratiquer l’avortement au-delà de ce qui est offert au Canada.
Les politiques des provinces et territoires en matière de voyages pour soins médicaux à l’étranger sont décrites en détail sur leurs pages respectives. Certains ont des procédures établies pour la préapprobation rapide et efficace de ces demandes de remboursement de soins à l’étranger. Les provinces qui ne disposent pas d’une telle infrastructure enfreignent le principe d’universalité, en rendant inégal l’accès à ces soins pour les personnes au Canada. L’absence de procédures pour la facturation à l’étranger crée des obstacles superflus en imposant au public des frais directs importants pour un service médical assuré.
Le médicament Mifegymiso (ou « pilule abortive ») est réglementé comme une « drogue » en vertu de la la Loi sur les aliments et drogues et du le Règlement sur les aliments et drogues.
Pour être autorisé à la vente au Canada, un médicament doit avoir réussi le processus d’évaluation de Santé Canada.28 Mifegymiso a achevé ce processus en 2015 et est offert au Canada depuis 2017.
Santé Canada détermine également si une ordonnance est nécessaire pour obtenir un médicament. Les médicaments nécessitant une ordonnance figurent sur la « Liste des drogues sur ordonnance ». Pour déterminer si une ordonnance est nécessaire ou non, Santé Canada suit des procédures spécifiques et applique les trois grands principes énoncés à l’article C.01.040.3 du Règlement sur les aliments et drogues, en plus de considérer d’autres facteurs connexes. À l’heure actuelle, Mifegymiso nécessite une ordonnance, au Canada.
Le 16 janvier 2022, les modifications au Code criminel apportées par le Projet de loi C-3 sont entrées en vigueur, rendant illégal le fait d’intimider des travailleur·euse·s de la santé et des patient·e·s ou de les empêcher de fournir des soins ou de demander un traitement dans les lieux où des services de santé – y compris des soins d’avortement – sont fournis.30
Cette loi a vu le jour à la suite d’actions agressives de manifestant·e·s anti-vaccins devant des établissements de santé et des sites de vaccination contre la COVID-19,31 mais elle s’applique aux manifestant·e·s dans tout établissement de santé, y compris ceux où l’on fournit des soins d’avortement. Elle s’applique également pour protéger tout·e professionnel·le de la santé, quel que soit l’endroit où il/elle pourrait être harcelé·e, y compris à son domicile ou en ligne.
La nouvelle loi pourrait contribuer à protéger les patient·e·s et le personnel qui dispense des soins génésiques, en particulier dans les régions du pays qui ne disposent pas de lois provinciales sur les zones de protection. Les sanctions qu’elle prévoit pour l’intimidation et l’obstruction sont plus sévères que celles des lois provinciales existantes sur les zones de protection dans les établissements de soins d’avortement, qui sont décrites sur la page de chaque province.
La jurisprudence se compose des décisions écrites des juges dans les affaires portées devant les tribunaux et les cours de justice. Elle vient de tous les niveaux de juridiction au pays, y compris la Cour suprême du Canada. Voici les principales décisions de la Cour suprême du Canada (CSC) en matière d’avortement. Les décisions provinciales concernant l’avortement peuvent être consultées sur la page de chaque province et territoire.
Historiquement, en vertu de l’article 251(4) du Code criminel, les femmes qui voulaient avorter devaient obtenir une attestation d’un comité d’avortement thérapeutique d’un hôpital agréé ou approuvé. Le Dr Morgentaler et ses collègues ont continué à fournir des services d’avortement à des femmes qui n’avaient pas obtenu d’attestation, faisant fi de cette disposition. Les médecins ont été inculpé·e·s et l’affaire a été portée devant les tribunaux. En janvier 1988, la Cour suprême du Canada a jugé que l’article 251(4) était inconstitutionnel, car il violait la garantie de sécurité de la personne garantie aux femmes par l’article 7 de la Charte, et n’était pas justifié par l’article 1.
Chantal Daigle a reçu une injonction de la Cour supérieure du Québec pour empêcher l’avortement qu’elle demandait après la fin de sa relation avec Jean-Guy Tremblay. Mme Daigle a fait appel devant la Cour d’appel du Québec, qui a rejeté sa demande et confirmé la conclusion du juge de première instance selon laquelle un fœtus est un être humain ayant droit à la vie en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et du Code civil du Bas-Canada. À la suite de cette décision, Mme Daigle a fait appel devant la Cour suprême du Canada, qui a annulé la décision du tribunal de première instance en statuant qu’un fœtus n’est pas considéré comme un être humain et n’a donc pas de droit légal à la vie. Par conséquent, les pères potentiels ne peuvent pas demander d’injonction judiciaire pour empêcher un avortement.
À la suite du décès d’un fœtus partiellement né, deux sages-femmes ont été accusées de négligence criminelle causant des lésions corporelles et de négligence criminelle causant la mort d’une personne. La Cour suprême du Canada a confirmé la décision d’une instance inférieure acquittant les sages-femmes de négligence criminelle ayant causé la mort, et soulignant qu’un fœtus n’est pas considéré comme une personne en vertu du Code criminel.
La Medical Services Act [Loi sur les services médicaux] de la Nouvelle-Écosse restreignait l’accès à l’avortement en rendant illégaux les avortements pratiqués en dehors des hôpitaux et en ne fournissant pas de couverture d’assurance maladie pour ceux-ci. Le Dr Morgentaler a contesté la loi en soulignant qu’elle n’était pas conforme à la répartition des pouvoirs prévue par la Constitution et qu’elle empiétait sur la compétence exclusive du gouvernement fédéral en matière de droit pénal. La Cour suprême du Canada a donné raison au Dr Morgentaler, estimant que la loi était ultra vires (au-delà de l’autorité ou du pouvoir légal de la province).
Une femme autochtone enceinte était aux prises avec une dépendance aux solvants. L’Office des services à l’enfance et à la famille de Winnipeg a demandé une ordonnance pour placer la mère sous la garde du directeur de l’Office en la détenant dans un centre de santé jusqu’à ce qu’elle ait accouché. En appel, la Cour suprême du Canada a statué que le fœtus n’était pas une personne juridique et ne jouissait d’aucun droit. Par conséquent, les tribunaux inférieurs n’ont pas la compétence appropriée sur les enfants à naître – parens patriae – et ne peuvent émettre d’ordonnance pour détenir et traiter des femmes enceintes afin d’éviter des préjudices à l’enfant à naître
Cynthia Dobson conduisait de manière négligente lorsqu’elle a eu un accident de voiture au cours de sa 27e semaine de grossesse. Son fils, Ryan Dobson, a subi des lésions physiques et mentales permanentes. Le grand-père de Ryan a intenté une action en dommages et intérêts contre Cynthia. En raison de considérations touchant la politique publique, telles que la vie privée et l’autonomie des femmes, la Cour suprême du Canada a jugé que la mère ne devrait pas être tenue responsable et qu’elle n’avait pas d’obligation de diligence à l’égard de l’enfant à naître.
Un gérant d’immeubles a trouvé un sac contenant les restes d’un enfant humain sur le balcon de l’appartement d’Ivana Levkovic. Celle-ci a été inculpée en vertu de l’article 243 du Code criminel pour avoir dissimulé le cadavre d’un enfant. La question était de savoir si l’article 243 du Code criminel, qui interdit de disposer d’un fœtus mort avant la naissance, était constitutionnel. La Cour suprême du Canada (CSC) a jugé qu’aux fins de l’article 243, un fœtus devient un enfant lorsqu’il a atteint le stade de développement où il est susceptible de naître vivant. Par conséquent, elle a conclu que l’article 243 est constitutionnel, car il « prévient raisonnablement les femmes – et les hommes – qu’ils risquent d’être poursuivis et déclarés coupables s’ils font disparaître les restes d’un enfant né à terme ou presque dans l’intention de cacher le fait que sa mère lui a donné naissance ».
Dans l’affaire Carter, deux patient·e·s atteint·e·s de maladies graves en phase terminale ont contesté juridiquement l’interdiction pénale du suicide médicalement assisté. La Cour suprême du Canada (CSC) a tranché que l’interdiction de l’aide médicale à mourir violait l’article 7 de la Charte et était donc inconstitutionnelle. La CSC a souligné que « [l]e droit à la vie entre en jeu lorsqu’une mesure ou une loi prise par l’État a directement ou indirectement pour effet d’imposer la mort à une personne ou de l’exposer à un risque accru de mort ». Elle a également confirmé que le droit canadien protège l’autonomie du/de la patient·e dans la prise de décisions médicales, y compris le droit à l’autodétermination médicale.32
Toute personne fournissant un avortement était passible d’emprisonnement à vie.
Le rapport indique que « la procédure fournie par le Code criminel pour obtenir un avortement thérapeutique est en pratique illusoire pour de nombreuses femmes canadiennes »36
Les juges estiment que la loi est contraire à la Charte, car elle porte atteinte au droit de la femme à « la vie, la liberté et la sécurité de sa personne » garanti par l’article 7 de la Charte.
Le gouvernement fédéral dépose au Parlement une résolution décrivant une nouvelle loi sur l’avortement fondée sur le stade de gestation.37 La résolution est rejetée, de même que cinq amendements. Des décisions judiciaires ultérieures viendront confirmer et préciser la situation juridique de l’accès à l’avortement sûr au Canada.
Le Projet de loi C-43, Loi concernant l’avortement, propose de réintroduire des restrictions légales à l’avortement au Canada.38 Il cherchait à criminaliser tout avortement pour une grossesse ne mettant pas la vie en danger ou ne présentant pas de menace majeure pour la santé physique ou mentale d’une personne. La personne souhaitant obtenir un avortement aurait eu besoin de l’autorisation d’un·e médecin. Le projet de loi comprenait des mesures pour criminaliser toute personne fournissant un avortement, créant ainsi un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de deux ans, à moins que l’avortement ne soit provoqué par (ou sous la direction d’) un·e médecin étant d’avis que la santé ou la vie de la personne enceinte aurait été menacée si l’avortement n’avait pas été provoqué
Les médias rapportent deux cas de femmes ayant avorté clandestinement – les premiers en près de 20 ans. Une des femmes perd la vie.39
Ceci est un moment important de l’histoire canadienne, car le Sénat (dont les membres sont nommé·e·s) est généralement considéré comme une chambre symbolique qui ne fait qu’adopter les projets de loi que lui soumet la Chambre des communes (dont les membres sont élu·e·s par le public).
L’avortement est dès lors traité comme toute autre intervention médicale et régi par des réglementations provinciales et médicales.
1 Direction des services législatifs. (12 décembre 2017). Lois fédérales codifiées du Canada, Loi canadienne sur la santé. https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/c-6/page-1.html#h-147874
2 W Coughlin, K. (2018). Medical decision-making in paediatrics: Infancy to adolescence. Canadian Paediatric Society. https://cps.ca/en/documents/position/medical-decision-making-in-paediatrics-infancy-to-adolescence
3 CMA Code of Ethics and Professionalism. (2016). Canadian Medical Association. https://policybase.cma.ca/viewer?file=%2Fmedia%2FPolicyPDF%2FPD19-03.pdf#page=1
4 Consent: A guide for Canadian physicians. (2021, April). CMPA. https://www.cmpa-acpm.ca/en/advice-publications/handbooks/consent-a-guide-for-canadian-physicians
5 Consent: A guide for Canadian physicians. (2021, April). CMPA. https://www.cmpa-acpm.ca/en/advice-publications/handbooks/consent-a-guide-for-canadian-physicians
6 AC v Manitoba (Director of Child and Family Services), 2009 SCC 30; Bala, N., & Houston, C. (2015, p. 61-62). Article 12 of the Convention on the Rights of the Child and Children’s Participatory Rights in Canada. In Department of Justice Canada. https://www.justice.gc.ca/eng/rp-pr/other-autre/article12/Article12-eng.pdf; Alexander, R. (2021). When Can a Court Override a Mature Minor’s Decisions? FamilyLLB. https://familyllb.com/2021/10/26/when-can-a-court-override-a-mature-minors-decisions/
7 Carter v. Canada (Attorney General), 2015 SCC 5
8 Tremblay v. Daigle, 1989 2 SCR 530
9 R v Parker, 2000 CanLII 5762 (ON CA); Malette v Shulman 1990 CanLII 6868 (ON CA); Reibl v Hughes, 1980 2 SCR 880
10 Chaoulli v. Quebec (Attorney General), 2005 SCC 35; New Brunswick (Minister of Health and Community Services) v. G. (J.), 1999 3 SCR 46.
11 Carter v. Canada (Attorney General), 2015 SCC 5
12 Tremblay v. Daigle, 1989 2 SCR 530; R. v. Sullivan, Lemay, 1991 1 SCR 489; Winnipeg Child and Family Services (Northwest Area) v. DFG, 1997 3 SCR 925
13 R v. Morgentaler, 1993 3 SCR 463
14 Canada Health Act, R.S.C. (1985) c. C-6
15 Government of Canada, Department of Justice, Electronic Communications. (2022, April 5). Learn about the Charter- Canada’s System of Justice. https://www.justice.gc.ca/eng/csj-sjc/rfc-dlc/ccrf-ccdl/learn-apprend.html
16 Right to Life, Liberty and Security of the Person - Centre for Constitutional Studies. (2019, July 4). Centre for Constitutional Studies. https://www.constitutionalstudies.ca/2019/07/right-to-life-liberty-and-security-of-the-person/
17 https://www.arcc-cdac.ca/media/position-papers/61-Canadian-abortion-regulation.pdf. (2023, April). Abortion Rights Coalition of Canada. https://www.arcc-cdac.ca/media/position-papers/61-Canadian-abortion-regulation.pdf
18 Legislative Services Branch. (2020, August 7). Consolidated federal laws of canada, THE CONSTITUTION ACTS, 1867 to 1982. https://laws-lois.justice.gc.ca/eng/const/page-3.html#h-17
19 Ibid
20 Ibid
21 Canada Health Act, R.S.C. (1985) c. C-6.
22 Ibid
23 Canada Health Act Annual Report 2018-2019. (2020). Government of Canada. https://www.canada.ca/content/dam/hc-sc/documents/services/publications/health-system-services/canada-health-act-annual-report-2018-2019/pub1-eng.pdf
24 Ibid
25 Reguly, Ramsden, D., & Wang, W. (2023, June 29). Private health facilities in Ontario: government continues to release details on the new regime | Insights | Torys LLP. Torys. https://www.torys.com/en/our-latest-thinking/publications/2023/06/private-health-facilities-in-ontario
26 Know which services are covered outside Québec | Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). (n.d.). https://www.ramq.gouv.qc.ca/en/citizens/absence-quebec/know-which-services-are-covered-outside-quebec
27 Health Canada. (2022, November 21, chapter 2). Canada Health Act Annual Report 2020-2021. Canada.ca. https://www.canada.ca/en/health-canada/services/publications/health-system-services/canada-health-act-annual-report-2020-2021.html
28 Government of Canada. (2015). How Drugs are Reviewed in Canada. https://www.canada.ca/en/health-canada/services/drugs-health-products/drug-products/fact-sheets/drugs-reviewed-canada.html
29 Government of Canada. (2014). Questions and Answers - Prescription Drug List. https://www.canada.ca/en/health-canada/services/drugs-health-products/drug-products/prescription-drug-list/questions-answers.html
30 Criminal Code of Canada, RSC 1985, c C-46, s 423.2
31 Faassen, M. (2023, May 23). The impact on health workers of the politicization of COVID-19 public health measures: Canada’s criminal Law response. McGill Journal of Law and Health. https://mjlh.mcgill.ca/2022/11/28/the-impact-on-health-workers-of-the-politicization-of-covid-19-public-health-measures-canadas-criminal-law-response
32 Carter v. Canada (Attorney General), 2015 SCC 5
33 The History of Abortion in Canada. (2017, March). Abortion Rights Coalition of Canada. https://www.arcc-cdac.ca/media/position-papers/60-History-Abortion-Canada.pdf
34 Post-1969: The Omnibus Bill and Abortion · The State in the Bedroom - The Evolution of Reproductive Rights in Canada · Exhibits. (n.d.). https://exhibits.library.utoronto.ca/exhibits/show/stateinthebedroom/omnibusbill#:~:text=The%20Criminal%20Law%20Amendment%20Act,by%20three%20or%20more%20doctors
35 Canada. Report of the Committee on the Operation of the Abortion Law, (Ottawa: Ministry of Supplies and Services, 1977) (Chair: Robin Badgley) | Bora Laskin Law Library. (n.d.). https://library.law.utoronto.ca/whrr/Badgley_Report
36 Ibid, pg. 28
37 Ollerhead, L. (1993, May). Abortion in Canada: legislative limbo and the Morgentaler Factor | Origins. Origins. https://origins.osu.edu/read/abortion-canada-legislative-limbo-and-morgentaler-factor?language_content_entity=en
38 Ongoing Challenges to Abortion · The State in the Bedroom - The Evolution of Reproductive Rights in Canada · Exhibits. (n.d.). https://exhibits.library.utoronto.ca/exhibits/show/stateinthebedroom/ongoingchallenges
39 Todd, P. (1990, June 13). Woman bleeds to death after aborting her fetus. Toronto Star.
40 Anti-Choice private member bills and motions introduced in Canada since 1987 | Abortion Rights Coalition of Canada. (2023, June 19). Abortion Rights Coalition of Canada. https://www.arcc-cdac.ca/presentations-anti-bills/